13 décembre 2009

Autorisation de digresser

Vous avez vu ? Pas d'illustration. C'est parce que aujourd'hui, le sujet que je souhaite aborder est des plus sérieux et ne souffre pas la moindre distraction. Ou peut-être parce que je vois mal ce qui pourrait illustrer la digression. Du latin digresso, "je m'éloigne". Bon, je reviens toujours hein, sortez pas les mouchoirs, d'ailleurs comme le dit judicieusement Sttellla : "il y a toujours un train qui part pendant qu'un autre atterrit quelque part" (pour ceux qui décidément sont des débutants dans la vie, Sttellla est le plus grand groupe de philosophes belges du monde).

Je vous entends déjà marmonner "mais qu'est-ce qui lui prend de traiter des sujets aussi sérieux et chiants que la digression, il cherche un poste à Arte ou quoi ?". Vous êtes vraiment une bande de fieffés connards, Arte c'est de la télé et je ne suis pas télégénique du tout. Non pas que je sois laid comme un pou hein, je suis beaucoup plus grand et je ne suce pas le sang de la tête des gens. Non, dès qu'on me filme ou même qu'on me photographie, on n'obtient que du flou avec quelques zones pas nettes sur les bords. Rien de surnaturel, je pense que c'est juste parce que je bouge très vite et que je ne suis jamais là où on m'attend.

Si je m'intéresse subitement à la digression, c'est parce qu'on me dit souvent ces derniers temps "Dav', tu digresses beaucoup". Avant de comprendre ce qu'on veut me dire par là, je suis passé par plusieurs stades, tous emprunts de perplexité.
  • Stade petit 1 : Je dis Grèce.
Là, j'ai une bonne excuse : c'est mon pays préféré juste après l'Afghanistan, le Cameroun, les îles Fidji, le Danemark, l'Angola, Wallis et Futuna, le Cantal, la République Slovaque, la Jamaïque, le Japon, la planète Mercure et une bonne cinquantaine d'autres. Alors c'est normal, de temps en temps, quand j'ai plus rien à dire, je dis Grèce, comme d'autres se taisent.
  • Stade petit 2 : Je dis graisse.
C'est vrai, mais je dis aussi sucre et personne ne me fait de remarque. Je crois qu'on stigmatise la graisse, qu'on fait l'apologie du 0% de matière grasse, faisant l'impasse sur le sucre qui lui aussi cause des ravages, pourrissant de l'intérieur des générations entières, qui moins pourries auraient pu faire d'exceptionnels vendeurs chez Darty. Moi, je trouve ça triste. D'autres se taisent.
  • Stade petit 3 : Je dig race
Bon là c'est de l'anglais, donc ça veut rien dire. Traduction littérale possible : "je creuse une course". Qu'est-ce que je pouvais bien vouloir dire par là ? Qu'au sein d'une course, je creuse l'écart qui me sépare des autres concurrents ? Que dans le sable encore humide du passage de la marée, je creuse un circuit afin de faire une course de billes avec mes petits camarades ? Franchement, je ne sais pas. Ce qui tend à démontrer qu'on n'est pas toujours les mieux placés pour savoir ce qu'on dit. Exception faite de ceux qui se taisent.
  • Stade petit 4 : Stade ultime dans lequel je comprends enfin ce qu'on me dit sans pour autant manifester le moindre signe d'approbation.
Je digresse. Mais putain de bordel de merde, vous êtes qui pour me dire des trucs pareils ? Comment faites-vous pour savoir où je veux en venir et si je m'éloigne ou non de mon sujet ? Moi-même, dans 97.52% des cas j'ignore ce que je veux dire, je ne sais pas où je veux en venir et de toute façon je m'en fous royalement.

Excusez-moi, le téléphone sonne, je dois répondre. "Allô ? Ah c'est vous monsieur Mick.M. ? Non non, vous ne me dérangez pas, j'étais en train de rédiger un truc sur la digression pour la bande de traine-savattes qui me lisent. Ah bon, justement, vous auriez souhaité poster un commentaire mais vous ne savez pas comment faire ? Mais je vous ai envoyé un mail à ce sujet, monsieur Mick.M., vous ne savez pas non plus comment ouvrir un message ? Il y a une importante source de radiations là où vous habitez ? Bon, je vous laisse là parce que je suis dans une cabine et il y a du monde dehors qui attend et il pleut, je crois que ce sont des employés de France Télécon qui viennent pour détruire la cabine et je ne voudrais pas les contrarier, ils ont tendance à s'ouvrir les veines pour un oui ou pour un non. Bien le bonjour à St Malo, et à plus tard".

On parlait de quoi là ? Bon, tant pis, ça m'échappe pour le moment et de toute façon on est dimanche, je dois me dépêcher si je ne veux pas être en retard à la chasse aux écureuils, et je me rends compte que le libellé de cet article est "en bref", ce qui risque d'être un peu ridicule si je n'abrège pas rapidement. Une dernière citation de Sttellla avant de vous abandonner à vos belles-familles respectives : "Les poissons s'en fishent et les pieds s'en footent" (pour ceux qui aimeraient débuter un jour ou l'autre dans la vie, Sttellla est le plus grand fournisseur belge de citations au monde). Bon dimanche, si tant est qu'un tel jour puisse vous procurer une once de plaisir. Moi pas.



3 commentaires:

M de SM a dit…

Cher Dav'news,
Tout commentaire serait forcément digressif au regard du sujet traité dans cet article qui, tel Mappy, sait tracer un itinéraire quasi idéal, parfait, entre un point de départ et un point d'arrivée. Au demeurant, l'on pourra regretter que l'article, conforme à un usage maintenant bien établi, évoque à nouveau en des termes menaçants une activité chasseresse dirigée à l'encontre des écureuils. Une marotte que je réprouve ! Ce n'est pas digresser que de demander grâce en leur nom. Il ne fait pas bon être un écureuil, et plus encore un vieil écureuil, ainsi exposé à des attaques injustifiées si l'on veut bien considérer le caractère joyeux et facétieux des bestioles.
Merci de tenir compte de l'extrème sensibilité animalière d'une partie de ton lectorat.

Anonyme a dit…

Ah tiens, voila qu'on peut commenter maintenant ! Il t'en a fallu du temps pour ouvrir ce service (un problème technique ?).

Dav' a dit…

Cher M de SM,
Heureux de voir que tu as trouvé ta route jusque chez moi. Si tu connaissais les écureuils comme je les connais, les fourbes, tu laisserais vite ta sensibilité de midinette au vestiaire...
Sous des dehors de petites bébêtes bien mignonnes se cachent des esprits machiavéliques capables des pires vilainies, particulièrement à l'encontre de ceux qui, comme moi, voient clair dans leur petit jeu.
Mais tu as raison, à l'avenir, je vais tenter de m'abstenir de les mentionner, c'est pas gagné tant ils m'obsèdent mais ça pourrait aussi freiner l'escalade de l'animosité dont ils font preuve à mon égard.