Porté par un état d'esprit chagrin, si vous êtes appelé à parler de sport auto, vous évoquez forcément Ayrton Senna. Tout aussi mochement inspiré, quand il est question de musique, vous en venez rapidement à parler de Michel Sardou. Le transport aérien ? Ryan Air of course ! Paris ? C'est le Lido ! Et le voyage de noces ? Ben c'est Venise... Cherchez l'intrus.
Donc quand vous vous mariez, vos amis pensent forcément à vous offrir un voyage à Venise parce que Venise incarne universellement une forme de romantisme. "A 50 ans si t'es pas allé à Venise avec ta femme ou ta maîtresse, t'as raté ta vie", dirait un vendeur de rêves. Puisqu'il faut porter du crédit revolving à ce slogan ciselé de vérité - car pondu par un esprit très certainement brillant - pourquoi associer Venise la Sérénissime (oui, c'est la devise de Venise) à Ayrton, Michel, Michou ou ses soeurs, le low cost aérien ? Parce que le rêve n'est qu'un ilot perdu dans un océan de contingences. Le rêve est une parenthèse qui s'ouvre entre une machine à laver pleine de linge mouillé qu'on a oublié d'étendre avant de partir, et un robot minute SEB à aller retirer avant le 15 courant au dépôt du Vert Baudet, alors que le 15 courant, on est au Lido. Le lido, la plage près de Venise, pas le cabaret où on mate des tétons. Mais le robot mixer et le linge, on s'en fout bien puisqu'on est dans notre parenthèse de bonheur romantique. Il faudra juste qu'on pense à aller règler nos coktails à la réception avant de quitter l'hotel et de se rendre à l'aéroport. Pour prendre l'avion. Un low cost. Départ en fin de journée. A deux heure de la fermeture de l'aéroport de destination. Vous devinez la suite ? Certainement, oui, je m'autorise malgré tout à l'énoncer : un départ en fin de journée sur un avion d'une compagnie low cost, en période de grève, même tournante, même peu suivie, même symbolique, ça signifie que vous refermez cette parenthèse de bonheur plus tôt que prévu ! Comment vous le savez ? Facile, une voix tombée des limbes vous l'annonce : "Les voyageurs en partance de Venise-la-Sérénissime à destination de Nantes-où-il-pleut ne vont pas être les plus ravis de la soirée puisqu'en raison des retards accumulés tout au long de la journée du fait de la grève des gondoliers, on saurait faire décoller leur avion, nous on ferme jamais ici - business as usual -, mais l'aéroport de Nantes, lui, serait fermé, et comme on ne peut pas faire faire des ronds dans l'air à l'avion en attendant que ça rouvre, l'avion ayant besoin d'une bonne nuit de sommeil, ben on vous annonce qu'on est fichtrement désolés, hein, et qu'en suce on n'a pas de plan B, hé hé !".
Le linge, le robot, Ayrton, Michel, Michou etc... tout ça vous déboulle dessus à la vitesse qu'il faut à un charge électrique générée dans l'atmosphère pour toucher un clocher, et efface de vos souvenirs encore chauds les clochetons, musées, mosaïques, et autres calzones aux 4 fromages, ainsi que les coktails qu'on n'a finalement pas payés, rien que pour leur faire la nique... La faute à la grève de ces maudits gondoliers qui ont retardé tout le trafic aérien... Euh, je suis d'accord avec vous, c'est surprenant, mais c'est ainsi. Faudra pas s'étonner de voir un jour qu'une grève des coiffeurs a entrainé une rupture de faisceau lors de la retranmission en direct du Grand Prix d'Amérique.
La prochaine fois, plutôt que d'offrir à vos amis un voyage de noces à Venise, offrez-leur un séjour dans les Landes ! C'est pas demain que vous verrez un gardien de troupeau, drapé dans sa houppelande typique et perché sur ses échasses, faire la grève. Pourquoi ? Réfléchissez un peu : comment vous pissez tout seul de là haut ? Mettons-nous deux secondes dans la tête d'un berger (c'est une image) : "Je lâche une main pour défaire ma braguette, ma canne tombe au sol, ah meeerde ! Et ma braguette qui résiste ! Si je lache les deux mains, comment que ça se finille ?" Comment à votre avis ? Et c'est qui qui se casse la gueule ? Nan... Un berger des Landes, ça marche en troupeau de bergers, comme ça y'a toujours un confrère qui peut vous tenir la béquille. Le lien avec notre affaire ? Je me disais simplement que vous risquez peut-être moins de vous faire plaquer par un type qu'a tant besoin des autres pour pisser, que par un gondolier qui s'en fout de pas pisser droit.
Donc ce sera les Landes !
2 commentaires:
Bonjour, j'ai beaucoup pleuré en vous lisant, ce que vous dites sur les bergers est tellement vrai !
Mon mari, aujourd'hui décédé, était berger, et nous n'avons jamais eu d'enfants à cause de ces maudites échasses qui me permettaient tout juste de le sucer...
Monsieur,
Scousez mon français approuximatif, ye souis italiano. Votre article il a changé ma vie,y'étais gondolier, yé émigre dans les landes, yé cherche youste oune deuxième rame car yé crois qu'oune seule échasse, c'est pas assez.
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